Filtrer
Éditeurs
Langues
Gallimard
-
Pour en finir avec le jugement de Dieu
Antonin Artaud
- Gallimard
- Poesie Gallimard
- 26 Juin 2003
- 9782070427338
Pour en finir avec le jugement de dieu est sans doute le livre d'Antonin Artaud qui libère le plus violemment cette voix forcenée, cette voix de fureur et de fièvre qui apparaît comme l'ultime état, l'ultime éclat de sa parole de poète. La poésie prend ici la forme d'une profération, d'une vaticination, mais loin de vouloir faire entendre le message inspiré ou imposé à un oracle par un dieu quelconque, Artaud entreprend de transcrire les mots, les balbutiements, les cris comme s'ils étaient directement engendrés par le corps souffrant, brisé, torturé d'un médium qui refuse toute intervention transcendante. Ce dont témoigne ce livre, c'est d'une révolte ontologique, révolte radicale qui s'affranchit de tous les recours, de tous les secours, de toutes les croyances, pour s'en tenir aux seules sonorités, aux seuls timbres, aux seules vibrations des choses. «Le timbre a des volumes, des masses de souffles et de tons, qui forcent la vie à sortir de ses repères et à libérer surtout ce soi-disant au-delà qu'elle nous cache/et qui n'est pas dans l'astral mais ici.»
-
Dans Van Gogh le suicidé de la société, publié en 1947, quelques mois avant sa mort, Antonin Artaud rend au peintre un éblouissant hommage. Non, Van Gogh n'était pas fou, martèle-t-il, ou alors il l'était au sens de cette authentique aliénation dont la société et les psychiatres ne veulent rien savoir.«Je vois à l'heure où j'écris ces lignes, le visage rouge sanglant du peintre venir à moi, dans une muraille de tournesols éventrés,dans un formidable embrasement d'escarbilles d'hyacinthe opaque et d'herbages de lapis-lazuli.Tout cela, au milieu d'un bombardement comme météorique d'atomes qui se feraient voir grain à grain,preuve que Van Gogh a pensé ses toiles comme un peintre, certes, et uniquement comme un peintre, mais qui serait,par le fait même,un formidable musicien.»
-
-
«Voici le livre le plus violent de la littérature contemporaine, je veux dire d'une violence belle et régénératrice.Héliogabale, né sur un berceau de sperme, mort sur un oreiller de sang, est un noir héros de notre monde. Sa légende est faite de perversité et d'exécration. El Gabal, Celui de la Montagne, est non seulement l'empereur dépravé de la Rome pourrissante du Troisième Siècle, livré aux vices et à la folie, mais aussi le premier héros infernal de cette rencontre avec l'Orient, dont Apollonius de Tyane fut l'Archange. Incarnation du mythe hermaphrodite, adorateur du Soleil et de la pierre noire Élagabale, il a vécu jusqu'à l'extrême le drame de l'affrontement entre le monde gréco-latin et la Barbarie. Il s'agit bien ici d'un texte initiatique : prêtre païen et empereur de Rome à l'âge de quatorze ans, Héliogabale annonce à la fois le rite solaire des Tarahumaras, et le sacrifice de Van Gogh le Suicidé de la société, puis la descente aux Enfers d'Artaud le Mômo. Héliogabale est l'Anarchiste, avant d'être l'Alchimiste couronné.Ce livre envoûtant, le plus construit et le plus documenté des écrits d'Antonin Artaud, est aussi le plus imaginaire.Qui n'a pas lu Héliogabale n'a pas touché le fond même de notre littérature sauvage.»J.M.G. Le Clézio.
-
«Moi je réponds que nous sommes tous en état épouvantable d'hypotension, nous n'avons pas un atome à perdre sans risquer d'en revenir immédiatement au squelette, alors que la vie est une incroyable prolifération, l'atome éclos en pond un autre, lequel en fait immédiatement éclater un autre. Le corps humain est un champ de guerre où il serait bon que nous revenions. C'est maintenant le néant, maintenant la mort, maintenant la putréfaction, maintenant la résurrection attendre je ne sais pas quelle apocalypse d'au-delà, l'éclatement de quel au-delà pour se décider à reprendre les choses est une crapuleuse plaisanterie. C'est maintenant qu'il faut reprendre vie.» Antonin Artaud, 1946.
-
Dernier recueil de textes composé par Antonin Artaud peu avant sa mort, Suppôts et Suppliciations rassemble des éléments apparemment disparates:des poèmes, des récits de rêves, un essai sur Lautréamont, un commentaire de dessin et des lettres. Comme le souligne Évelyne Grossman, «il faut immédiatement renoncer à chercher dans ce recueil une unité quelconque de lieu, de temps ou d'action, sur le modèle de la dramaturgie classique. Car Suppôts et Suppliciations est bien un drame, dans tous les sens du terme, la dramaturgie d'un cri de douleur et de révolte qu'Artaud met une dernière fois en scène dans ces pages éblouissantes. Le livre est composé de trois parties (entendons, trois actes au sens théâtral du terme):Fragmentations, Lettres, Interjections. Au centre du volume, les lettres envoyées à quantité d'interlocuteurs constituent ce qu'Artaud appelle le pont d'une correspondance vraie. Elles dessinent la scène centrale sur laquelle se dresse l'homme acteur, lui Antonin Artaud, qu'on veut empêcher d'être Dieu, d'incarner le corps infini de la création, lui qui inlassablement hurle son refus de la mort, sa haine d'une anatomie où il étouffe, son exécration d'une société qui chaque jour le dévore. Le 13 mars 1946, il écrit à Henri Thomas:Cet appel est celui d'un poète qui vent aimer les coeurs qui ont bien voulu lui faire l'honneur de l'écouter et de l'entendre, et qui veut par toutes les projections de son souffle leur donner lieu de respirer dans ce monde d'asphyxiés.»
-
«Le pays des Tarahumaras est plein de signes, de formes, d'effigies naturelles qui ne semblent point nés du hasard, comme si les dieux, qu'on sent partout ici, avaient voulu signifier leurs pouvoirs dans ces étranges signatures où c'est la figure de l'homme qui est de toutes parts pourchassée. [...] Que la Nature, par un caprice étrange, montre tout à coup un corps d'homme qu'on torture sur un rocher, on peut penser d'abord que ce n'est qu'un caprice et que ce caprice ne signifie rien. Mais quand, pendant des jours et des jours de cheval, le même charme intelligent se répète, et que la Nature obstinément manifeste la même idée ; quand les mêmes forment pathétiques reviennent ; quand des têtes de dieux connus apparaissent sur les rochers, et qu'un thème de mort se dégage dont c'est l'homme qui fait obstinément les frais, - et à la forme écartelée de l'homme répondent celles devenues moins obscures, plus dégagées d'une pétrifiante matière, des dieux qui l'ont depuis toujours torturé ; - quand tout un pays sur la pierre développe une philosophie parallèle à celle des hommes ; quand on sait que les premiers hommes utilisèrent un langage de signes et qu'on retrouve formidablement agrandie cette langue sur les rochers, certes, on ne peut plus penser que ce soit là un caprice, et que ce caprice ne signifie rien.» (Extrait de La montagne des signes.)
-
Lettres au dr ferdiere (1943-1946) et autres textes inedits suivis de six lettres a marie dubuc (1935-1937) préface du dr gaston ferdière présentation et notes de pierre chaleix investi de ce qu'il croyait être sa mission, antonin artaud s'en fut, en 1937, rapporter la canne de saint patrick aux irlandais.
Arrêté à dublin, ramené au havre, on l'enferme. pendant neuf ans il ne connaîtra plus que la face du dedans des murs asilaires. en 1940, quand survient l'occupation, il est à ville-evrard. a la souffrance de son internement, s'ajoutent pour le poète la faim, le dénuement.
Les efforts conjugués du fidèle robert desnos et de son ami gaston ferdière, qui dirige en " zone non occupée " l'asile de rodez, réussissent à faire passer arthaud en un lieu, où, à défaut de liberté, il trouvera, avec l'amitié, des soins attentifs jusqu'au dévouement.
Nous sommes en février 1943. jusqu'à sa sortie en 1946, artaud écrira à son médecin, qu'il voit cependant chaque matin, près de cinquante lettres. la reconnaissance et l'affection jalouse côtoyant la revendication - si ce n'est l'aigreur certains jours - projettent sur cet ensemble le reflet incomparablement vrai de la vie du poète interné. il y a plus : dans ces lettres s'exprime une foi chrétienne, sinon romainement orthodoxe du moins passionnée jusqu'au mysticisme.
-
Antonin Artaud aurait voulu que lui soit épargnée la dérision de voir les textes qu'il écrivait au Mexique connus en espagnol avant de l'être dans leur langue originale. C'est pourtant ce qui arriva pour la plupart d'entre eux. Aussi les Messages révolutionnaires furent-ils, à leur parution, une révélation. On y découvre un Antonin Artaud beaucoup plus inséré dans son époque qu'on a voulu le dire et participant comme jamais il ne l'a fait en France à la vie politique et sociale d'un pays qui lui paraît être un creuset de l'Histoire. Sa réflexion sur le marxisme, entamée depuis son passage dans le surréalisme, il la poursuit ici, à vif, en se passionnant pour la révolution mexicaine qu'il souhaiterait plus pro-indienne qu'elle ne l'est. Et, par le «contact avec la Terre Rouge», il cherche à retrouver les secrets de l'antique culture solaire. Grâce à cela, sans doute, les Messages révolutionnaires, écrits en 1936, vibrent toujours d'échos contemporains.
-
« Je ne suis pas Mr Artaud mais Mr ARLAND, j'ai francisé mon nom qui est en réalité ARLANAPULOS. Je suis sujet Grec, né à Smyrne, (Turquie d'ASIE) le 29 septembre 1904. J'habite Paris depuis 1921, j'ai fait des Études en Sorbonne de 1921 à 1923-24, j'ai fourni des adresses à Mr le Médecin chef. Je suis dessinateur de profession. [.] Je me suis réfugié en Irlande, et mes papiers d'identité m'ont été VOLES à la Préfecture de Police de Dublin (DUBLIN CASTLE) tandis que j'étais interrogé sur les raisons de mon séjour là-bas. » Contrairement à certaines affirmations, Antonin Artaud n'a jamais cessé d'écrire. Mais les lettres rédigées depuis son internement d'office à l'hôpital de Sotteville-lès-Rouen en octobre 1937, puis Sainte-Anne et Ville-Evrard, jusqu'à son départ pour Rodez en 1943, semblaient perdues.
Grâce à l'obstination de Serge Mallausséna, neveu du poète, ces lettres inédites ont été pour l'essentiel retrouvées dans les dossiers de l'administration hospitalière ou, au terme d'une enquête quasi policière, dans des collections privées.
Rédigées à partir des asiles, elles sont, pour la plupart, destinées à alerter l'opinion. Beaucoup sont délirantes, d'autres nous relatent son vécu à l'intérieur des différents établissements psychiatriques. Elles sont adressées à toutes sortes de correspondants : des hommes politiques, des docteurs, des infirmiers, des amis du monde littéraire et artistique, à sa famille. La plupart ne sont jamais arrivées à destination, soit retenues volontairement par les services responsables, soit gardées à titre personnel par certains médecins.
Elles permettent de pénétrer au coeur des obsessions d'Artaud et de ses délires, montrent son acharnement à survivre et à être entendu. Elles nous permettent de percevoir ses souffrances, et illustrent également la réalité du pouvoir psychiatrique.
Ces documents exceptionnels, qui permettent de mieux comprendre l'imaginaire et fantastique discours élaboré par Artaud pour recouvrer sa liberté ou faire revivre des personnes absentes, sont aujourd'hui révélés dans leur totalité.
Préface de Serge Mallausséna
-
Ce double tome I a inauguré une nouvelle édition des Oeuvres complètes d'Antonin Artaud, dont la publication avait été entreprise en 1948. C'est dire que depuis cette époque nos recherches avaient abouti à la découverte de nombreux textes et lettres. Le format actuel a permis d'enrichir chacun des tomes de ces éléments nouveaux qu'il nous a paru indispensable de mettre à la disposition des lecteurs.Le présent double tome est la refonte du tome I et de son Supplément. Il a été, en outre, augmenté de plusieurs textes inédits et de lettres retrouvées depuis 1970. Signalons tout spécialement Point final, publié en 1927 à compte d'auteur, que nous avions fini par croire perdu sans recours et qui a été retrouvé comme par miracle en 1971, texte sans lequel la position d'Antonin Artaud par rapport au surréalisme ne peut être comprise dans sa totalité et sa complexité.Antonin Artaud a toujours lui-même considéré sa correspondance comme partie intrinsèque de son oeuvre, et il est peu d'ouvrages composés par lui et publiés de son vivant qui ne contiennent de lettres réelles. Ainsi, un certain quotidien de sa vie était introduit dans ce que l'on était convenu d'appeler une oeuvre, et agissait comme destructeur de la notion même d'oeuvre.
-
Oeuvres complètes - tome iv antonin artaud n'aurait-t-il écrit que le théâtre et son double, ce livre, d'aucuns le pensent, eût suffi à sa gloire.
Pourtant, il paraît en février 1938 dans une indifférence presque totale ; l'auteur, il est vrai, s'est comme tue. a l'issue d'un périple qui l'a mené au mexique, puis en irlande, il a été interné d'office. il le restera neuf ans pendant lesquels ce livre qui compte à peine plus de cent cinquante pages, tiré seulement à quatre cents exemplaires, prêté passé de main en main, surtout parmi les gens de théâtre, va trouver ses fervents.
Ils ne sont pas foule encore quand henri thomas, en 1945, salue sa réédition par le théâtre mort et vivant, étude où l'un des premiers il sait dire que ce livre n'est pas uniquement une méthode et un programme à l'usage des acteurs et metteurs en scène mais qu'antonin artaud y pose " une conception absolue de la vie ". dix ans après maurice blanchot y verra " l'exigence de la poésie telle qu'elle ne peut s'accomplir qu'en refusant les genres limités et en affirmant un langage plus originel ".
Vingt ans après, jacques derrida tentera de cerner les implications philosophiques de ce texte à propos duquel il écrira que " penser la clôture de la représentation, c'est penser le tragique ". tous ont contribué à faire comprendre que le théâtre et son double n'est pas affaire des seuls théâtrologues. il n'en aura cependant pas moins influencé le théâtre contemporain dans la mesure où il aura conduit metteurs en scène et acteurs à modifier l'espace de la scène et le jeu vocal et corporel.
Tout cela concourt à faire du théâtre et son double l'oeuvre d'antonin arthaud la plus lue, la plus traduite, la plus commentée. les quelques quatre cents lecteurs du début se chiffrent maintenant par centaines de milliers et leur nombre ne cesse de croître.
Les cenci, tragédie d'après shelley et stendhal, ont été écrits par antonin artaud en 1935 afin de mettre en application les principes qu'il avait énoncés dans ses textes théoriques sur le théâtre.
Ce fut le premier spectacle du théâtre de la cruauté, c'en fut aussi le seul. il tint l'affiche dix-sept jours, et commercialement ce fut un échec. mais antonin artaud n'a pas tort de constater le " succès dans l'absolu des cenci ". a lire les critiques de l'époque, on se rend compte que tout ce qui alors était blâme et s'exprimait comme tel pourrait aujourd'hui être tenu pour éloge. a ce renversement de la conception théâtrale, les représentations des cenci, tout comme le théâtre et son double, ont sûrement participé.
-
C'est en 1945, alors qu'il est encore enfermé à l'hôpital psychiatrique de Rodez, qu'Antonin Artaud commence à écrire chaque jour dans de petits cahiers de brouillon que lui fournit l'administration. Sur ces fragiles supports, il réinvente un nouveau corps d'écriture, entre texte et dessin, entre théâtre vocal et danse rythmée de coups de couteaux qui transpercent la feuille. Artaud lui-même parle de « cahiers de notes littéraires, poétiques, psychologiques, physiologiques, magiques, magiques surtout ». Magiques en effet ; l'écriture sous ses doigts est vivante, les pages bougent, les dessins sortent de la feuille : pratique conjuratoire, exorcisme. Souvent il écrit dans plusieurs cahiers à la fois, au hasard des pages ouvertes, déployant ainsi les scène splurielles et éclatées que cherchaient à penser dans les années trente ses théories théâtrales. Jour après jour et jusqu'à sa mort, le 4 mars 1948, il poursuivra ainsi inlassablement la même pratique effrénée d'écriture infinie où il remet en scène, dans un espace qu'il nomme « sempiternel », son dernier Théâtre de la Cruauté.
406 de ses petits cahiers - la quasi intégralité - sont aujourd'hui conservés à la Bibliothèque nationale de France. Certains contiennent les esquisses des derniers grands textes : Suppôts et Suppliciations, Pour en finir avec le jugement de dieu, Van Gogh le suicidé de la société. Tous sont emplis de fragments de poèmes et dessins au crayon ou à l'encre. Une bonne partie d'entre eux sont encore inédits. C'est le cas du cahier publié ici en fac-similé, l'un des derniers, datant de janvier 1948. D'une page à l'autre, dans l'entrelacs des textes et des dessins, on y voit se déployer la « machine de souffle », comme disait Artaud, où s'opère « la matérialisation corporelle et réelle d'un être intégral de poésie ».
-
Cahiers d'Ivry ; coffret Tome 1 et Tome 2
Antonin Artaud
- Gallimard
- Hors Serie Litterature
- 20 Octobre 2011
- 9782070135752
Coffret de deux volumes vendus ensemble
-
Très longtemps, antonin artaud a surtout été connu comme homme de théâtre.
Pourtant, sa vie professionnelle est, dans les faits, des plus réduites et il a passé fort peu de temps sur les planches. court apprentissage chez dullin, dans l'enthousiasme. il participe alors, durant à peine plus d'une année, aux spectacles de l'atelier qu'il quitte, déçu, écoeuré, quelques jours après avoir créé le rôle de charlemagne dans huon de bordeaux, d'alexandre arnoux. puis une saison chez les pitoëff et, pendant cette période, deux petits rôles et une figuration sur les autres scènes des champs-elysées dont l'ensemble était dirigé par hébertot.
Ensuite, plus rien jusqu'aux représentations du théâtre alfred jarry: neuf en tout pour quatre spectacles différents donnés entre le ler juin 1927 et le 5 janvier 1929. les auteurs: vitrac, claudel, bien malgré lui, strindberg. c'est peu sans doute, mais il n'est aucune de ces manifestations qui n'ait été un événement, aucune qui n'ait marqué un jalon dans l'évolution de la réalisation scénique.
Heureusement pour nous, de ces spectacles fugaces, antonin artaud a laissé des traces écrites: manifestes ou textes de programme, regroupés au début de ce tome il.
On y trouvera aussi m. projets de mise en scène pour deux pièces qu'il avait espéré pouvoir monter. ecrits pour mettre en confiance les directeurs de théâtre et les convaincre de ses capacités de réalisateur, ils nous donnent des indications concrètes sur ses conceptions propres: comment il comptait faire jouer entre elles la voix des acteurs, moduler avec leurs divers registres, utiliser la surface du plateau, le rôle qu'il accordait à la lumière, l'atmosphère générale qu'il cherchait à créer.
Mais le jeune poète de vingt-trois ans qui avait quitté en 1920 sa provence natale pour venir à paris apprendre le métier de comédien s'intéressait à bien d'autres choses que le théâtre. il visite les salons et les galeries d'avant-garde, il est curieux de tout ce qui paraît et écrit un grand nombre de notes et de comptes rendus dont plusieurs étaient jusqu'à ce jour demeurés inédits. cette activité de critique, il l'exercera jusqu'à son départ pour le mexique.
Les textes qui en témoignent, et sans lesquels on ne saurait presque rien de ses goûts et de ses lectures, ont été rassemblés dans la dernière partie du volume.
-
Le Moine paraît à Londres en 1796. Il rend aussitôt célèbre Matthew Gregory Lewis, un jeune Anglais de vingt ans qui l'a écrit près de deux ans auparavant, et, alors que toutes ses autres oeuvres trouveront l'oubli, il suffira à sa gloire future. Considéré comme l'un des chefs-d'oeuvre du roman gothique ou roman noir, redécouvert par les surrélistes - André Breton écrivait en 1924 que «le souffle du merveilleux l'anime tout entier» -, ce Moine, où la plus atroce des réalités se mue en fantastique et qui fait «du surnaturel une réalité comme les autres», dont l'érotisme flamboie dans la profanation, l'inceste ou la putréfaction, où les fantasmes se déploient dans la mort toujours présente, Antonin Artaud, en 1930, décide d'en refaire scintiller la magie, d'en rouvrir le souterrain où le viol a les cadavres pour témoins, de donner une vie neuve à ces amants fascinants et hautains que sont le moine Ambrosio et le démon Mathilde. Ce n'est pas une traduction qu'il entreprend alors, mais, il le dit lui-même, «une sorte de "copie" en français du texte original». Pour ce travail, il utilise la traduction la plus fidèle, celle que Léon de Wailly avait faite en 1840. Et s'il ne se prive pas de lui emprunter lorsque sa langue romantique ne contrarie pas le mouvement qu'il désire imprimer au récit, la plupart du temps il n'en use que comme d'un matériau brut qu'il modèle en profondeur, resserrant, élaguant, récrivant, renforçant la couleur, ajoutant même au besoin pour donner un tour plus théâtral au déroulement des intrigues qui s'entrecroisent.
-
Antonin Artaud, les deux premières années de son séjour à Rodez, en dehors des lettres qu'il adresse à ses amis, n'écrit que fort peu, et les textes de cette période, s'ils font montre d'une extraordinaire virtuosité langagière, tel l'Arve et l'Aume, répondent presque toujours à une sollicitation extérieure ou à une demande formulée par le médecin-chef de l'hôpital psychiatrique. C'est au moins de février 1945 seulement qu'il se met à travailler de façon régulière dans de petits cahiers d'écolier qu'il noircit d'une écriture serrée. Les premiers textes cherchent le lecteur potentiel. Ils sont titrés et leur facture est traditionnelle. Ils présentent un commencement et s'acheminent vers une fin, mais très vite Antonin Artaud abandonne ce type de composition et se met à écrire ce qu'il dit être «des notes psychologiques personnelles qui tournent autour de quelques remarques que j'ai faites sur les fonds de l'inconscient humain, ses refoulements et ses secrets ignorés même du moi habituel». Il écrit alors avant tout pour lui-même, pour obéir à une nécessité, une urgence intérieure pressante qui l'amène à se livrer à une immense méditation où tout se rebrasse : l'être, la mort, l'origine, la filiation, la virginité, la sexualité, où va se consommer, par la mise en cause tant de la métaphysique que de toute religion, sa rupture avec le passé. Sans ces notes qui sont comme la genèse de tous les textes flambloyants qui jailliront après sa sortie de Rodez, un maillon nous ferait défaut. C'est leur lecture et leur étude qui nous donneront peut-être un jour de comprendre comment s'est effectué l'incroyable voyage qui a permis le Retour d'Artaud, le Mômo. Ces notes, les destinait-il à la publication ? La question demeure sans réponse. Ce qui est sûr c'est qu'il a apporté ses cahiers de Rodez à Paris, ne les a pas détruits et s'est même, quelques mois avant sa mort, préoccupé de leur conservation. Dans le tome XV, on trouvera les cahiers de février, mars et avril 1945, dans le tome XVI, ceux de mai et juin.
-
Les deux textes qui composent ce tome VII sont tout à fait à part dans l'oeuvre d'Antonin Artaud. Le premier : Héliogabale ou l'Anarchiste couronné, écrit à la demande de Robert Denoël pour inaugurer une collection d'essais historiques dont cet éditeur espérait qu'ils auraient la faveur d'un public assez vaste, est sans doute l'unique livre pour lequel Antonin Artaud s'est astreint à la recherche en bibliothèque, accumulant une abondante documentation. La solidité de son argumentation s'en accroît, mais elle ne nuit en rien à l'ardeur poétique d'un récit que sa théâtralité fait intensément vibrer. C'est qu'à l'heure où il fait de la cruauté un concept qui va renouveler l'art de la scène, la vie et la personne d'Héliogabale lui offrent le théâtre même de cette guerre sanglante que se livrent les principes contraires pour retrouver l'unité enfuie. Et que, d'une certaine façon, il se soit identifié à ce roi solaire, voilà qui n'est pas douteux : «Vrai ou non le personnage d'Héliogabale vit, je crois, jusque dans ses profondeurs, que ce soient celles d'Héliogabale personnage historique ou celles d'un personnage qui est moi.» Avec Les Nouvelles Révélations de l'Être, ce n'est plus le soleil qui brûle et dévore, mais les ténèbres. L'auteur veut disparaître en tant qu'homme vivant, il refuse de signer de son nom le plus énigmatique, peut-être, de ses textes, et pour dire ce qu'il lui paraît essentiel de révéler il use des lames du tarot comme d'un langage secret. Il en sort une langue de flammes, de catastrophes et de cris prophétiques qui bouleverse.
-
Ce tome contient des articles, des lettres, des interviews d'Artaud non seulement à propos du Théâtre et son double et des Cenci, mais d'une façon plus générale, à propos de tous les projets de théâtre qui l'agitent en ces années 30. Dans chacun de ces textes, il apporte, comme à un tableau toujours modifié, une touche nouvelle qui éclaire d'un jour nouveau et nous fait mieux comprendre ce qu'il avait dit ailleurs. Ainsi va la pensée d'Artaud, toujours en mouvement, toujours passionnée, toujours soucieuse d'exposer encore une fois et mieux l'objet de sa quête. Quête métaphysique, nous le savons, qui va bientôt le conduire au Mexique. Les dernières lettres font état de ce voyage. Dans la toute dernière datée de 1937, il est écrit : «Je sens qu'un Autre Homme va sortir, sans savoir exactement ce qu'il est, ni où il me mènera.»
-
Blanche - oeuvres completes (tome 9)
Antonin Artaud
- Gallimard
- Blanche
- 27 Septembre 1979
- 9782070289790
Il n'était pas si courant, en 1936, qu'un écrivain quittât l'Europe pour aller «prospecter ce qu'il peut rester au Mexique d'un naturalisme en pleine magie, d'une sorte d'efficacité naturelle répandue çà et là dans la statuaire des temples, leurs formes, leurs hiéroglyphes, et surtout dans les sous-sols de la terre et dans les avenues encore mouvantes de l'air». Ce l'était moins encore, une fois sur place, de partir en mission pour la Sierra Tarahumara, d'en gravir les pentes à cheval plusieurs jours de suite pour y rencontrer les Indiens des hautes terres, mangeurs de peyotl, et d'être admis à participer à leurs rites. C'est pourtant ce qu'a fait Antonin Artaud, mais l'extraordinaire ne s'arrêtera pas là. De retour à Paris, en 1937, il envoie à Jean Paulhan, pour La Nouvelle Revue Française, des extraits D'un voyage au pays des Tarahumaras, mais il veut que son nom disparaisse et que sa signature soit remplacée par trois étoiles. Ceux qui le connaissent le reconnaîtront. Et, en effet, quelques-uns vont percer l'anonymat et deviner quel est l'auteur de ces pages étranges autant que belles. En 1943, il est interné à Rodez. C'est là qu'Henri Parisot se mettra en rapport avec lui pour lui proposer de reprendre ce texte en librairie. Fin 1943, Antonin Artaud écrira Le Rite du Peyotl chez les Tarahumaras, puis le Supplément au voyage. Il décrira, sept ans après, la cérémonie rituelle comme s'il y avait assisté la veille, jetant ainsi un pont sur les années de silence auxquelles l'internement l'avait condamné. Le 16 février 1948, quinze jours avant sa mort, jaillira le récit flamboyant de cet autre rite:Tutuguri. Ainsi, la composition des Tarahumaras n'aura pas duré moins de douze années. Et c'est parce que Henri Parisot lui a demandé son accord pour éditer le Voyage qu'Antonin Artaud lui envoie de Rodez des lettres si étonnantes que son correspondant pense aussitôt en publier quelques-unes. Une sorte de lien magique réunit donc le Voyage et Lettres de Rodez. À ces deux oeuvres fondamentales sont joints les premiers textes écrits à Rodez et plusieurs adaptations de textes anglais, en particulier L'Arve et l'Aume, d'après le chapitre VI de La Traversée du miroir, par Lewis Carroll.
-
Ce second volet du tome I s'ouvre avec les textes qui marquent les étapes d'Antonin Artaud dans ses rapports avec le mouvement surréaliste : les textes écrits à l'époque où il y avait adhéré - et pas seulement ceux qu'il a publiés dans La Révolution surréaliste, mais tous ceux où l'on retrouve la marque de cet esprit de révolte qui l'animait alors, ce flamboiement de la langue - comme ceux où il s'explique sur sa rupture avec le groupe et donne les raisons de son désaccord. Il se poursuit avec un important ensemble de lettres : celles qui ont trait aux quatre ouvrages, publiés entre 1925 et 1929, qui composent le premier volet de ce tome et celles qui éclairent les relations d'Antonin Artaud avec le groupe surréaliste, avec celui du Grand Jeu et avec La Nouvelle Revue française. On y a joint des lettres écrites par Antonin Artaud entre 1921 et 1932 à des médecins, des thaumaturges, des voyantes, pour tenter de remédier à l'état difficile de [sa] pensée, ou simplement s'en plaindre à des amis. Il nous a semblé qu'elles étaient comme le prolongement naturel de telles pages de Correspondance avec Jacques Rivière, de L'Ombilic des Limbes, du Pèse-Nerfs suivi des Fragments d'un journal d'enfer ou de L'Art et la Mort et que d'une certaine manière elles les authentifiaient dans le quotidien de sa vie. «Toujours l'histoire des lettres à Rivière», écrit-il lui-même au docteur Allendy en 1927.
-
Antonin artaud pensait que " de la bonne utilisation des rêves pouvait naître une nouvelle manière de conduire sa pensée ".
C'est en application de ce principe qu'il a cherché à faire du cinéma, art encore jeune et suscitant toutes les audaces. il ne s'agissait nullement, pour lui, de donner une traduction visuelle d'un quelconque rêve, de le raconter en images de manière banale tout comme on aurait pu le noter au réveil avec des mots. il fallait, après avoir étudié de près la systématique et la symbolique du rêve, tâcher d'en découvrir les lois, d'en reconstituer la " mécanique ".
Ainsi, le cinéma retrouverait la violence et l'indépendance du rêve, il pourrait libérer " toutes les forces sombres de la pensée ". car le rêve a son langage qui a ses règles propres. transposées dans le domaine de l'image, elles seraient capables " d'introduire dans la pensée une rupture logique ", elles permettraient de " réaliser cette idée de cinéma visuel oú la psychologie même est dévorée par les actes ".
C'est dans ce sens qu'ont été conçus plusieurs scenarii d'antonin artaud, tout spécialement la coquille et le clergyman et la révolte du boucher. seul, le premier a été réalisé ; qu'il ne l'ait pas été par lui nous a sûrement privés d'une oeuvre forte et originale. aussi bien a-t-il désavoué la plate transcription onirique qui en avait été donnée. les différents textes qu'antonin artaud a écrits à propos du cinéma ont été réunis ici.
On s'apercevra à les lire qu'ils demeurent toujours d'actualité.
On trouvera aussi dans ce tome iii la correspondance concernant ses activités d'homme de théâtre (à l'exception des lettres relatives au théâtre et son double et au théâtre de la cruauté qui ont été rassemblées dans le tome v), d'acteur de cinéma et de critique. elle témoigne d'une ouverture d'esprit et d'une ardeur jamais lassées. on y revit les efforts répétés faits par antonin artaud pour trouver une place qui lui permette de manifester ses dons ou tout simplement de subsister dans la société de son époque.
On y voit déjà s'inscrire son rejet par celle-ci.
-
Cahiers d'Ivry (février 1947 - mars 1948) Tome 2
Antonin Artaud
- Gallimard
- Hors Serie Litterature
- 20 Octobre 2011
- 9782070135745
Enfermé à l'asile psychiatrique de Rodez, Antonin Artaud remplit presque tous les jours, à partir de février 1945, des petits cahiers de brouillon, les Cahiers de Rodez, où il accumule notes, dessins, exercices respiratoires ou exorcismes, fragments d'écriture inventée, brouillons et variantes de textes qu'il élabore peu à peu.
Sorti de Rodez en 1946, installé dans une maison de santé à Ivry, où il est libre d'aller et de venir, Antonin Artaud poursuit cet exercice d'écriture quotidienne. Ces Cahiers d'Ivry sont ici retranscrits en respectant leur structure, sans remise en ordre des pages. Les lignes de texte disposées transversalement dans les marges des cahiers sont reproduites telles quelles. Dans ces cahiers manuscrits, Antonin Artaud met rarement les apostrophes, néglige la plupart des accents.
La ponctuation, souvent absente, est parfois remplacée par de petits traits horizontaux séparant les phrases disposées en courts paragraphes. Tantôt il met un point mais pas de majuscules, tantôt l'inverse. Parfois encore, il utilise un point-tiret, pour ponctuer la fin d'une phrase. Ces usages ont été respectés, de même que les déformations ou inventions orthographiques qui lui sont propres (athmosphère pour atmosphère, anté pour enté.).
Le petit format des cahiers oblige Antonin Artaud à de fréquents retours à la ligne, faisant éclater l'écriture linéaire, les lignes ordonnées de la perspective. De très nombreux fac-simile donnent à voir et à lire en même temps cette mise en scène des signes (dessin, écriture) qui caractérise la mise en espace théâtrale, graphique et rythmée des derniers textes d'Artaud. Les mots redeviennent vivants et vibrants, matière sonore et visuelle, ils se déploient comme des gestes physiques et concrets dans toutes les dimensions de la scène, suggérant la diction que l'écrivain-acteur imprime au langage.
L'écrit se mue alors en vibrations, échos de bruits, modulation des voix, « efficacité envoûtante » des rythmes incantatoires.
-
Cahiers d'Ivry (février 1947 - mars 1948) Tome 1
Antonin Artaud
- Gallimard
- Hors Serie Litterature
- 20 Octobre 2011
- 9782070122585
Les derniers Cahiers d'Ivry constituent la fin des Oeuvres complètes d'Antonin Artaud. Ce volume couvre la période qui s'étend de février à juin 1947. Inlassablement, il continue d'y mettre en espace ce qu'il nomme son nouveau Théâtre de la Cruauté. Que signifie avoir "un esprit qui littérairement existe" ? C'est la question qu'il posait à ses débuts à Jacques Rivière, le directeur de La NRF. Vingt ans plus tard, après une longue traversée d'enfermements asilaires, la question est réapparue. C'est bien en effet cette fondamentale question de l'inspiration - question qui hanta aussi les surréalistes - qu'il reprend sans relâche: comment commence-t-on à écrire ? Qui écrit, qui pense en moi ? Quel démon s'empare du Verbe humain avant qu'il ait commencé à penser ? Au fil des pages, les lettres se mettent en mouvement, un rythme progressivement émerge, accompagné de coups, de cris : chorégraphie de gestes et de voix, dessins semés sur la feuille. "Je ne suis jamais né", répète-t-il depuis son enfermement dans l'asile de Rodez, et donc je ne peux pas mourir. A entendre comme production infinie d'écriture, système perpétuel, "machine de souffle", prolifération sans fin d'un corps sans organes. C'est donc là, au creux des pages, entre les pages et les lignes, d'un cahier à l'autre, que s'opère "la matérialisation corporelle et réelle d'un être intégral de poésie" (lettre du 6 octobre 1946 à Henri Parisot).