Par le terme « Anthropocène », on désigne la nouvelle époque géologique dans laquelle nous sommes récemment entrés et qui se caractérise par la pression sans précédent que les humains font peser sur l'écosystème terrestre. Ses racines profondes ? L'entrelacement étroit, depuis la plus lointaine Préhistoire, de la trajectoire de la nature et de celle des sociétés humaines.
Après avoir fait la généalogie du concept et évoqué les polémiques que suscite son adoption, Michel Magny examine les différentes manifestations de la crise écologique dont l'Anthropocène est aujourd'hui le nom : réchauffement climatique, chute de la biodiversité, pollution des écosystèmes, anthropisation des espaces terrestres et pression démographique.
Et de s'interroger plus largement : l'Anthropocène ne nous donnerait-il pas à penser, avec la crise écologique, celle des sociétés humaines, c'est-à-dire le rôle de notre espèce et les imaginaires qui fondent notre manière de faire société et d'habiter le monde ?
Le réchauffement climatique et les désastres écologiques provoqués par les activités humaines imposent peu à peu l'idée d'une « transition écologique », c'est-à-dire d'une nécessaire transformation de nos modes de vie pour la préservation des écosystèmes terrestres. Mais en quoi devrait consister cette « transition » ? À adopter des écogestes ? À éduquer au développement durable ?
Pour Michel Magny, notre ambition devrait être autre. Dans cet essai, il commence par mettre en perspective la question de la transition en considérant, sur la très longue durée, les processus qui, depuis 7 millions d'années, sont à l'origine des sociétés humaines et ceux qui, depuis 3,8 milliards d'années, ont permis l'évolution, le développement et le maintien de la communauté des vivants sur la planète. Transitions longues, donc, qui aboutissent deux communs : le commun social, que nous avons en partage entre humains, et le commun biotique, en partage entre humains et non-humains.
Sur la base de cette analyse, celle qu'il esquisse, copernicienne, prend le contre-pied de l'idéologie néolibérale dominante en s'articulant autour d'un projet écologique et social complet, borné par les limites mêmes de notre planète. Sa boussole ? Maintenir la durabilité de ces deux communs essentiels hors desquels nous perdons à la fois notre essence et notre existence : celui qui nous fait humains, celui qui nous fait vivants.
Le point de départ de cet ouvrage est de considérer que l'Anthropocène ne désigne pas seulement une crise de la nature comme dans l'interprétation qui en est habituellement donnée, mais que cette crise écologique est étroitement associée à une crise de l'homme, les deux crises puisant aux mêmes racines, dans une interaction continue entre nature et sociétés.
Sans se limiter à la période industrielle, la question de l'Anthropocène est mise en perspective en l'envisageant dans la très longue durée pour suivre les trajectoires croisées des sociétés et de la nature depuis l'émergence de l'homme, soit depuis environ 3 millions d'années.
Destiné à un large public, cet ouvrage offre une présentation de toutes les facettes écologiques de l'Anthropocène telles qu'elles sont envisagées par la communauté scientifique internationale : réchauffement climatique mais aussi expansion démographique, nouvelle extinction de masse des espèces, artificialisation et pollution des écosystèmes, autant de signes prémonitoires d'un effondrement imminent. Il explore également la crise de l'homme et des sociétés que recouvre le terme d'Anthropocène. À travers une relecture du récit de la Modernité et de son rôle dans la structuration du système-monde contemporain, il tente d'identifier les ressorts du piège qui s'est peu à peu refermé sur la nature et sur les hommes. Pour se réconcilier avec la nature, l'homme doit aussi se réconcilier avec lui-même.
Par les archives sédimentaires qu'ils offrent, les milieux humides que sont les lacs, les tourbières ou les vallées et les plaines alluviales, sont des lieux d'investigation privilégiés pour retracer l'histoire des interactions entre climat, environnement et sociétés depuis plus de 10000 ans, et comprendre les processus qui ont modelé les paysages que nous observons aujourd'hui. En écho à une table-ronde qui s'est tenue en octobre 2013 à Frasne (Doubs) et qui a rassemblé des géologues, des biologistes, des archéologues et des historiens des universités de Franche-Comté et de Bourgogne ainsi que de Savoie, de Toulouse, ou de l'INRAP, ce volume présente les résultats de recherches récentes menées en France mais également autour de la Méditerranée ou au Groenland, pour reconstituer les trajectoires passées des écosystèmes, restituer les dynamiques d'occupation et de gestion des territoires, et remonter ainsi aux racines des questions qui sont posées aujourd'hui à nos sociétés.