«Robinson s'était longtemps demandé comment il appellerait l'Indien. Il décida finalement de lui donner le nom du jour où il l'avait recueilli. C'est ainsi que le second habitant de l'île s'appela Vendredi.»
L'île déserte du Pacifique et le XVIII? siècle forment le cadre traditionnel de cette histoire librement empruntée à Daniel Defoe. Parce qu'il refuse d'abord d'assumer sa solitude et ne songe qu'à partir, Robinson est menacé par la déchéance et la folie. Puis il se ressaisit et entreprend de coloniser l'île, comme une possession anglaise. Non content de cultiver la terre et de domestiquer quelques chèvres, ce puritain avare et méthodique creuse des viviers, crée des rizières, accumule des provisions énormes, construit des édifices publics, promulgue des lois, un code pénal... La survenue de Vendredi paraît d'ailleurs justifier cette construction délirante : il va être le sujet de l'île, devenant tour à tour soldat, enfant de choeur, laquais, etc. En réalité, le sauvage répugne à cet ordre minutieux et ses bévues finissent par provoquer une catastrophe qui détruit l'oeuvre de Robinson. Ils repartent tous deux de zéro, mais désormais, c'est Vendredi qui mène le jeu. Robinson se déshumanise peu à peu et prend le parti des éléments. Administrateur et cultivateur, il s'oppose dorénavant au fantasque Vendredi, comme l'homme de la terre s'oppose à un être aérien. Puis sous l'influence de son compagnon, il se transforme en héros solaire. Sa sexualité notamment subit des métamorphoses successives de plus en plus surprenantes. Le sens du travail, le nudisme, la spéléologie, les bains de soleil, le colonialisme, le racisme, les innovations sexuelles, autant de préoccupations d'aujourd'hui que l'auteur a insérées et brillamment illustrées dans le mythe éternel de Robinson Crusoé.
«3 janvier 1938. Tu es un ogre, me disait parfois Rachel. Un Ogre? C'est-à-dire un monstre féerique, émergeant de la nuit des temps? Je crois, oui, à ma nature féerique, je veux dire à cette connivence secrète qui mêle en profondeur mon aventure personnelle au cours des choses, et lui permet de l'incliner dans son sens. [...]Je relis ces lignes. Je m'appelle Abel Tiffauges, je tiens un garage place de la Porte-des-Ternes, et je ne suis pas fou. Et pourtant ce que je viens d'écrire doit être envisagé avec un sérieux total. Alors? Alors l'avenir aura pour fonction essentielle de démontrer - ou plus exactement d'illustrer - le sérieux des lignes qui précèdent.»
Hermétique aux expérimentations littéraires, Michel Tournier dit appartenir à la famille des «fictionnistes», dont les aînés sont Balzac, Hugo ou Dumas. La revendication de cette tradition s'accompagne chez lui d'une conception selon laquelle l'écrivain serait avant tout un artisan - et d'une défiance envers les maîtres à penser. Mais pas envers la pensée, puisque Tournier, philosophe et germaniste qui, comme Descartes, avançait «masqué», déclarait par ailleurs : «je n'ai jamais rien publié qui ne découle secrètement et indirectement de Platon, d'Aristote, de Spinoza, de Leibniz et de quelques autres». Ces références ont de quoi étonner, sans doute, car nul ne se voulait plus romancier que Tournier en une époque où la théorie semblait parfois prendre le pas sur la littérature.
Il publie son premier roman, Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967), au moment où le Nouveau Roman domine intellectuellement le monde littéraire français. Il n'a pas la moindre affinité avec ce mouvement, mais ses soutiens ne sont pas des ennemis de la modernité littéraire ; Vendredi est défendu par Queneau chez Gallimard ; Calvino y voit pour sa part un livre crucial, ouvrant une voie nouvelle ; tandis que pour Deleuze, il s'agit non seulement d'un roman philosophique, mais aussi «d'un roman d'aventures, de métamorphoses spirituelles, un roman nudiste, un roman comique, pervers, élémentaire, cosmique, un roman romanesque, dans la perfection d'un style où tout est rigueur et hymne». À la lecture du Roi des Aulnes (prix Goncourt 1970), George Steiner affirme qu'il s'agit de «l'un des plus grands romans européens de ces dernières décennies». D'autres s'effraieront de la proximité de la métaphysique et de la scatologie... Mais Tournier, loin de s'adresser seulement aux intellectuels et aux philosophes, ou de vouloir exclusivement terrifier les âmes frileuses, entendait que son oeuvre touche le public le plus vaste. Vendredi ou la Vie sauvage (1971) - destiné d'abord aux enfants, mais qu'il estimait être plus abouti que le premier Vendredi - compte aujourd'hui plus de sept millions de lecteurs.
Le projet d'éditer les Romans de Tournier dans la Pléiade a été conçu du vivant de l'auteur, et le sommaire du volume, établi en concertation avec lui, est demeuré inchangé après sa mort en 2016. On ne s'étonnera pas de la présence d'un essai intitulé Le Vent Paraclet (1977), qui offre un regard de l'intérieur sur le volume ; Tournier cherche en effet à y approcher le secret de la création, et plus particulièrement celui de ses romans : Vendredi, Le Roi des Aulnes et Les Météores. Pour la première fois, les manuscrits de Tournier sont mobilisés : ils donnent un accès unique à l'atelier de l'auteur. On découvre ainsi comment ce «jeune romancier» de plus de quarante ans, qui écrivait à Robert Gallimard en 1966 : «je suis un faux débutant», avait en réalité «toujours écrit».
" donne-moi la photo.
" idriss gardait ses chèvres et ses moutons non loin de l'oasis de tabelbala quand une land rover a surgi. une jeune femme blonde aux jambes nues a pris en photo le petit berger saharien. sa photo, elle la lui enverra dès son retour à paris.
Idriss a attendu en vain. son image volée ne lui a pas été rendue. plus tard, quand il va partir vers le nord et jusqu'à paris pour chercher du travail, il va se heurter à des images de lui-même qu'il ne reconnaîtra pas.
Perdu dans un palais de mirages, il s'enfoncera dans la dérision jusqu'à ce qu'il trouve son salut dans la calligraphie. seul le signe abstrait le libérera de la tyrannie de l'image, opium de l'occident.
L'épisode des rois mages venus d'arabie heureuse pour adorer l'enfant jésus, s'il ne fait l'objet que de quelques lignes d'un seul des quatre evangiles, a magnifiquement inspiré la peinture occidentale.
Mais qui étaient ces rois ? pourquoi avaient-ils quitté leur royaume ? qu'ont-ils trouvé à jérusalem - chez hérode le grand - puis à bethléem ? l'histoire et la légende étant également muettes, il incombait à un romancier de répondre à ces questions. c'est ce qu'a tenté michel tournier avec ce récit naïf et violent qui plonge aux sources de la spiritualité occidentale.
Dans cette autobiographie intellectuelle, l'auteur de Vendredi ou Les limbes du Pacifique, du Roi des Aulnes, des Météores, du Coq de bruyère, s'explique sur ses livres. Passant de l'anecdote à la métaphysique, et de la chronique à l'esthétique littéraire, il cherche à approcher le secret de la création.L'ouvrage qu'il faut avoir lu pour mieux comprendre l'écrivain et son oeuvre.
Comment le Père Noël donnerait-il le sein à l'Enfant Jésus ? L'Ogre du Petit Poucet était-il un hippie ? Un nain peut-il devenir un surhomme ? Est-il possible de tuer avec un appareil de photographie ? Le citron donne-t-il un avant-goût du néant ? À ces questions - et à bien d'autres plus graves et plus folles encore - ce livre répond par des histoires drôles, navrantes, exaltantes et toujours exemplaires.
C'étaient des statues sculptées, dans le sable, d'une étrange et poignante beauté. Les corps se lovaient dans une faible dépression, ceints d'un lambeau de tissu gris souillé de vase. On songeait à adam et Éve avant que Dieu vînt souffler la vie dans leurs narines de limon. Le rocher de Tombelaine émergeait de la brume. Suspendu comme un mirage saharien au-dessus des nuées, le Mont-Saint-Michel brillait de toutes ses tuiles vermeilles, de tous les vitraux de sa pyramide abbatiale.
Comment jeanne d'arc, si lucide, au bon sens si fort, a-t-elle put accepter pour compagnon ce gilles de rais dont la monstruosité continue à révolter et à fasciner, un demi-millénaire après son supplice ? a cette question - toujours esquivée ou laissée pendante par les historiens -, michel tournier tente de répondre : et si gilles de rais n'était devenu un monstre que sous l'influence de jeanne ? et s'il avait remis son âme entre ses mains pour le meilleur et pour le pire ? pour le meilleur : libération d'orléans, victoire de patay, sacre de charles vii.
Pour le pire : blessure, capture, procès, condamnation par l'eglise, bûcher. gilles de rais a suivi jeanne jusqu'au bout, jusqu'à la sorcellerie, jusqu'au bûcher sur lequel il est monté neuf ans après elle.
En 1845, le pasteur Éléazar quitte son Irlande natale avec sa femme et ses deux enfants pour émigrer en Amérique, comme des milliers de ses compatriotes chassés par la grande famine. Débarquant en Virginie, il entreprend la traversée du continent pour gagner cette Californie qui se confond pour beaucoup avec la Terre promise. Parvenu dans le désert du Colorado, il lui semble qu'un voile se déchire devant ses yeux et qu'il lit pour la première fois la Bible. Sa propre aventure personnelle s'éclaire à la lumière du destin grandiose de Moïse. Il comprend que le drame de Moïse, c'était son déchirement entre le Buisson ardent, symbole du sacré, de la voix de Yahweh, et les sources que ne cessent de lui réclamer les Hébreux pour leurs femmes, pour leurs enfants, leur bétail et leurs cultures. Un choix tragique s'impose entre la Source et le Buisson.
« En vérité, l'Allemagne continue à me valoir comme du temps de mon enfance, de ma jeunesse, de mon âge mûr des tristesses et des joies, des blessures et des fleurs, des pertes irréparables et des richesses immenses. »
Dans ce livre, Michel Tournier nous raconte son lien intime avec l'Allemagne. Sa famille germanophile, son rapport à la langue de Goethe et ses études universitaires d'après-guerre dans un pays dévasté par la défaite sont autant de faits qui l'unissent à ce pays. Toutefois, l'auteur est français et c'est l'analyse des rapports entre ces deux contrées qu'il veut nous faire partager. Pour ce faire, il trace une généalogie du couple France-Allemagne. Partant des années 1770-1830, en passant par Bismarck, l'avènement de l'Empire, la Grande Guerre, Weimar et le désastre nazie, jusqu'à la naissance de la RDA avec laquelle il a toujours entretenue une relation privilégiée, il nous livre une analyse claire et sans parti pris de deux nations que l'Histoire à toujours poussée l'une vers l'autre ou l'une contre l'autre. Mais c'est également une
réflexion sur l'Europe et les peuples qui la composent. Il constate notamment que les vertus dont chacun se réclame sont toujours celles qui font le plus défaut. Pour lui, les Allemands dont la discipline et l'ordre semblent les parangons sont, au contraire, emplis de légèreté et de finesse. Quant au français vantant leur esprit et leur ironie, il les voit mégalomanes et rêvant d'éclipser le reste de l'humanité. Toutefois, l'auteur ne se contente pas d'un rapide tableau historique, mais retrace et expose ce qui dans la littérature, la philosophie, la musique et la peinture s'attachent à notre héritage commun. C'est, pour lui, tracé en filigrane, la préférence romantique et l'extraordinaire fécondité de la pensée allemande.
Texte limpide et délicat, Le bonheur d'être romantique est une promenade agréable dont la langue assurée et la justesse des vues soulignent ce qui fait la richesse, la force, mais aussi la faiblesse et le paradoxe de cette mosaïque séculaire qu'est l'Europe.
A travers leur apparente disparité, ces quatre-vingt-deux texticules ont pour source commune la curiosité de l'auteur et son ouverture sur le monde extérieur.
La beauté des êtres et des choses, leur bizarrerie, leur drôlerie, leur saveur justifient et récompensent une châsse heureuse et insatiable. La démarche des quadrupèdes - amble ou diagonale ? -, la valeur fondamentale du genou, les secrets de la grève dévoilés par le jusant, les déambulations nocturnes des hérissons, la haine que les arbres se vouent les uns aux autres, et aussi ces personnages tutélaires, les Rois Mages, le Père Noël, saint Christophe, Saint Louis, et surtout des hommes et des femmes dévorés par les médias - Sacha Guitry, lady Diana, Michael Jackson -, et enfin ces amis qui sont maintenant de l'autre côté du fleuve, voici ce dont il est question dans ces pages.
«Le collant et le flottant. Je me suis toujours demandé ce qui a le plus de charme. Il y a deux écoles. Le collant bien sûr, ça épouse les formes, et en même temps, ça les tient, ça les affermit. Mais ça manque d'imagination. Ça ne parle pas. C'est sec, laconique, c'est pète-sec. Tandis que le flottant, le flou, c'est ça qui fait rêver! C'est bavard, c'est une improvisation continuelle, ça invite à glisser la main.»
Ce livre réunit les « lettres » - en réalité des cassettes audio - envoyées par Michel Tournier à Hellmut Waller, son ami allemand, rencontré à Tübingen en 1946 pendant ses études de philosophie.
L'ensemble des lettres - au nombre de 23 - couvre une période de plus de trente années de 1967 à 1998. Les débuts de cette correspondance coïncident avec des moments-clés dans la vie des deux hommes : en 1967, Tournier vient de recevoir le prix de l'Académie Française pour Vendredi ou les Limbes du Pacifique ; en 1969, il dépose le manuscrit du Roi des Aulnes chez Gallimard. C'est peu de temps après cette publication qu'Hellmut Waller, juriste de formation devenu procureur général chargé de requérir contre les nazis, va se mettre à traduire en allemand l'oeuvre de Michel Tournier.
Il faut souligner la différence avec des lettres écrites. Ici, l'oralité domine, favorisant la spontanéité. Parfois l'auteur s'interrompt, quitte à reprendre plusieurs heures ou plusieurs jours après. Certaines lettres sont de ce fait assez longues, abordant les sujets les plus divers. Aussi, au début de chaque lettre, un bref résumé indique les principaux sujets abordés.
Cet échange est de première importance, par sa durée d'abord - trente et une années ; pour les informations, ensuite, qu'il nous donne sur le travail de l'écrivain, ses relations avec le monde littéraire et de la photographie, ses voyages, sa vie quotidienne, la genèse de ses oeuvres, et même les pistes délaissées.
Afin de ne pas rompre l'unité des Lettres parlées, deux annexes sont placées à leur suite.
La première est la transcription d'un entretien radiophonique de Michel Tournier avec Gilles Lapouge, dans le cadre de son émission Agora, en 1979 : Des Clés et des Serrures. La seconde est un extrait du texte : « Le retour en Allemagne du Michel Tournier », où ce dernier brosse un portrait amical et taquin de son ami Hellmut Waller.
Publier un livre, nous dit Michel Tournier, c'est procéder à un lâcher de vampires. Car un livre est un oiseau sec, exsangue, avide de chaleur humaine, et, lorsqu'il s'envole, c'est à la recherche d'un lecteur, être de chair et de sang, sur lequel il pourra se poser afin de se gonfler de sa vie et de ses rêves. Ainsi le livre devient ce qu'il a vocation d'être : une oeuvre vivante.
Une cinquantaine de livres sont donc venus se poser sur le lecteur Tournier, lequel, ayant une plume à la main, a essayé de décrire les fruits imaginaires que ces semences produisaient dans sa tête. Il en résulte une suite de brefs essais, qui vont de Charles Perrault à Jean-Paul Sartre et de Novalis à Günter Grass, où la joie d'écrire s'ajoute au bonheur de lire.
La collection « Connaître une oeuvre » vous offre la possibilité de tout savoir de Vendredi ou la Vie sauvage de Michel Tournier, grâce à une fiche de lecture aussi complète que détaillée. La rédaction, claire et accessible, a été confiée à un spécialiste universitaire. Cette fiche de lecture répond à une charte qualité mise en place par une équipe d'enseignants. Ce livre contient la biographie de Michel Tournier, la présentation de l'ouvrage, le résumé détaillé (chapitre par chapitre), les raisons du succès, les thèmes principaux et l'étude du mouvement littéraire de l'auteur.