«Tous ceux qui m'ont connu, tous sans exception me croient mort. Ma propre conviction que j'existe a contre elle l'unanimité. Quoi que je fasse, je n'empêcherai pas que dans l'esprit de la totalité des hommes, il y a l'image du cadavre de Robinson. Cela suffit - non certes à me tuer - mais à me repousser aux confins de la vie, dans un lieu suspendu entre ciel et enfers, dans les limbes, en somme...Plus près de la mort qu'aucun autre homme, je suis du même coup plus près des sources mêmes de la sexualité.»
«3 janvier 1938. Tu es un ogre, me disait parfois Rachel. Un Ogre ? C'est-à-dire un monstre féerique, émergeant de la nuit des temps ? Je crois, oui, à ma nature féerique, je veux dire à cette connivence secrète qui mêle en profondeur mon aventure personnelle au cours des choses, et lui permet de l'incliner dans son sens. [...] Je relis ces lignes. Je m'appelle Abel Tiffauges, je tiens un garage place de la Porte-des-Ternes, et je ne suis pas fou. Et pourtant ce que je viens d'écrire doit être envisagé avec un sérieux total. Alors ? Alors l'avenir aura pour fonction essentielle de démontrer - ou plus exactement d'illustrer - le sérieux des lignes qui précèdent.»
Deux jumeaux, Jean et Paul, forment un couple fraternel si uni qu'on l'appelle Jean-Paul. Mais Jean veut briser cette chaîne et essaie de se marier. Paul fait échouer ce projet. Désespéré, Jean part seul en voyage de noces à Venise. Paul se lance à sa poursuite et accomplit un long voyage initiatique autour du monde.À travers des aventures multiples et de nombreux personnages, comme le scandaleux oncle Alexandre, surnommé le dandy des gadoues, ce roman illustre le grand thème du couple humain.
Hermétique aux expérimentations littéraires, Michel Tournier dit appartenir à la famille des «fictionnistes», dont les aînés sont Balzac, Hugo ou Dumas. La revendication de cette tradition s'accompagne chez lui d'une conception selon laquelle l'écrivain serait avant tout un artisan - et d'une défiance envers les maîtres à penser. Mais pas envers la pensée, puisque Tournier, philosophe et germaniste qui, comme Descartes, avançait «masqué», déclarait par ailleurs : «je n'ai jamais rien publié qui ne découle secrètement et indirectement de Platon, d'Aristote, de Spinoza, de Leibniz et de quelques autres». Ces références ont de quoi étonner, sans doute, car nul ne se voulait plus romancier que Tournier en une époque où la théorie semblait parfois prendre le pas sur la littérature.
Il publie son premier roman, Vendredi ou les Limbes du Pacifique (1967), au moment où le Nouveau Roman domine intellectuellement le monde littéraire français. Il n'a pas la moindre affinité avec ce mouvement, mais ses soutiens ne sont pas des ennemis de la modernité littéraire ; Vendredi est défendu par Queneau chez Gallimard ; Calvino y voit pour sa part un livre crucial, ouvrant une voie nouvelle ; tandis que pour Deleuze, il s'agit non seulement d'un roman philosophique, mais aussi «d'un roman d'aventures, de métamorphoses spirituelles, un roman nudiste, un roman comique, pervers, élémentaire, cosmique, un roman romanesque, dans la perfection d'un style où tout est rigueur et hymne». À la lecture du Roi des Aulnes (prix Goncourt 1970), George Steiner affirme qu'il s'agit de «l'un des plus grands romans européens de ces dernières décennies». D'autres s'effraieront de la proximité de la métaphysique et de la scatologie... Mais Tournier, loin de s'adresser seulement aux intellectuels et aux philosophes, ou de vouloir exclusivement terrifier les âmes frileuses, entendait que son oeuvre touche le public le plus vaste. Vendredi ou la Vie sauvage (1971) - destiné d'abord aux enfants, mais qu'il estimait être plus abouti que le premier Vendredi - compte aujourd'hui plus de sept millions de lecteurs.
Le projet d'éditer les Romans de Tournier dans la Pléiade a été conçu du vivant de l'auteur, et le sommaire du volume, établi en concertation avec lui, est demeuré inchangé après sa mort en 2016. On ne s'étonnera pas de la présence d'un essai intitulé Le Vent Paraclet (1977), qui offre un regard de l'intérieur sur le volume ; Tournier cherche en effet à y approcher le secret de la création, et plus particulièrement celui de ses romans : Vendredi, Le Roi des Aulnes et Les Météores. Pour la première fois, les manuscrits de Tournier sont mobilisés : ils donnent un accès unique à l'atelier de l'auteur. On découvre ainsi comment ce «jeune romancier» de plus de quarante ans, qui écrivait à Robert Gallimard en 1966 : «je suis un faux débutant», avait en réalité «toujours écrit».
«Donne-moi la photo.»Idriss gardait ses chèvres et ses moutons non loin de l'oasis de Tabelbala quand une Land Rover a surgi. Une jeune femme blonde aux jambes nues a pris en photo le petit berger saharien. Sa photo, elle la lui enverra dès son retour à Paris.Idriss a attendu en vain. Son image volée ne lui a pas été rendue. Plus tard, quand il va partir vers le nord et jusqu'à Paris pour chercher du travail, il va se heurter à des images de lui-même qu'il ne reconnaîtra pas. Perdu dans un palais de mirages, il s'enfoncera dans la dérision jusqu'à ce qu'il trouve son salut dans la calligraphie. Seul le signe abstrait le libérera de la tyrannie de l'image, opium de l'Occident.
L'épisode des Rois Mages venus d'Arabie Heureuse pour adorer l'Enfant Jésus, s'il ne fait l'objet que de quelques lignes d'un seul des quatre Évangiles, a magnifiquement inspiré la peinture occidentale. Mais qui étaient ces rois ? Pourquoi avaient-ils quitté leur royaume ? Qu'ont-ils trouvé à Jérusalem - chez Hérode le Grand - puis à Bethléem ? L'Histoire et la légende étant également muettes, il incombait à un romancier de répondre à ces questions. C'est ce qu'a tenté Michel Tournier avec ce récit naïf et violent qui plonge aux sources de la spiritualité occidentale.
Dans ces conférences inédites, données de 1994 à 2004, Michel Tournier accorde une grande importance à l'échange avec ses lecteurs. C'est avec humour qu'il présente ses expériences, comme son heureux échec à l'agrégation de philosophie, et dévoile, dans les coulisses de la création, son idéal de littérature:écrire des romans avec de la «philosophie de contrebande».Par leur complémentarité, ces conférences racontent le parcours de Michel Tournier et révèlent ses sources d'inspiration:il s'agit souvent de sa relation avec les livres qui l'ont inspiré, ceux de Kant, Flaubert ou Jules Verne, ou avec les personnalités qui l'ont marqué - on croise même le président Mitterrand descendant d'hélicoptère. Il arrive aussi qu'il dérive vers ses relations avec les éditeurs et les termes des contrats passés, ou bien vers les enquêtes préalables aux romans.Voici une traversée malicieuse de l'oeuvre de Tournier par Tournier, qui en montre l'extraordinaire cohérence et donne envie de tout (re)lire sans plus attendre.
Dans cette autobiographie intellectuelle, l'auteur de Vendredi ou Les limbes du Pacifique, du Roi des Aulnes, des Météores, du Coq de bruyère, s'explique sur ses livres. Passant de l'anecdote à la métaphysique, et de la chronique à l'esthétique littéraire, il cherche à approcher le secret de la création. L'ouvrage qu'il faut avoir lu pour mieux comprendre l'écrivain et son oeuvre.
Comment le Père Noël donnerait-il le sein à l'Enfant Jésus? L'Ogre du Petit Poucet était-il un hippie? Un nain peut-il devenir un surhomme? Est-il possible de tuer avec un appareil de photographie? Le citron donne-t-il un avant-goût du néant?À ces questions - et à bien d'autres plus graves et plus folles encore - ce livre répond par des histoires drôles, navrantes, exaltantes et toujours exemplaires.
« Écrivain géographique », comme il se définit lui-même, Michel Tournier a effectué de fréquents et lointains voyages, mais pour de brefs séjours, écartelé entre un désir de « perpétuelle pérégrination », de « chasse cosmopolite à la chair, aux images et aux paysages », et la tentation d'« une vie coite, casanière, tapie à l'intérieur d'une forteresse de livres ».
Arlette Bouloumié montre brillamment comment la double culture franco-allemande de l'auteur du Roi des Aulnes, la prégnance de ses souvenirs et impressions d'enfance, l'usage de la philosophie comme « clé multiple » pour accéder au monde, nourrissent une oeuvre d'une extrême richesse conceptuelle, d'imagination et d'écriture. On le découvre ou le redécouvre ici à travers des extraits empruntés à ses romans, ses essais, et aussi quelques pages inédites de son Journal intime.
Pour Michel Tournier, toute translation est une altération : « Éponge, pierre ponce, les milieux étrangers m'envahissent et me modifient massivement », écrit-il. Ses personnages sont l'illustration de ce phénomène : pour Robinson le naufragé comme pour Abel Tiffauges, le prisonnier de guerre en Prusse-Orientale ou Paul, le héros des Météores, qui fait le tour du monde à la recherche de son frère jumeau, « chaque voyage amorce une mue en profondeur ».
Cofondateur avec Lucien Clergue des Rencontres photographiques d'Arles, Tournier s'est toujours intéressé à la photographie. Lié d'amitié avec Édouard Boubat, ils ont effectué ensemble plusieurs voyages.
C'est à Boubat que sont empruntées les photos qui illustrent ce livre.
Connaissez-vous l'aire du Muguet, une aire de repos sur l'autoroute A 6, près de la sortie Pouilly-en-Auxois? Non? Alors, n'hésitez pas à vous y arrêter, peut-être y ferez-vous, comme Pierre, un jeune routier, une rencontre bouleversante...
L'auteur du Roi des Aulnes nous offre deux nouvelles surprenantes, pleines de poésie et de mystère.
«Il faut deux jambes pour marcher, et pour bien saisir on se sert des deux mains. Cette évidence a été le point de départ de ce petit traité où les idées s'éclairent en s'opposant deux à deux. La femme sert de révélateur à l'homme, la lune nous dit ce qu'elle est en plein soleil, la cuiller manifeste sa douceur maternelle grâce à la fourchette, l'encolure du taureau est mise en évidence par la croupe du cheval, etc.L'autre principe de ce livre, c'est que la pensée fonctionne à l'aide de concepts clés qui sont en nombre fini. C'est ce que les philosophes appellent des catégories. Aristote en comptait dix, Leibniz six, Kant douze. Les définir et les analyser, c'est mettre à plat les pièces de la machine cérébrale.En élargissant sa table des catégories à cent concepts, l'auteur a manifesté sa modestie spéculative et son souci d'embrasser la plus grande richesse concrète possible.»Michel Tournier.
C'étaient des statues sculptées, dans le sable, d'une étrange et poignante beauté. Les corps se lovaient dans une faible dépression, ceints d'un lambeau de tissu gris souillé de vase. On songeait à adam et Éve avant que Dieu vînt souffler la vie dans leurs narines de limon. Le rocher de Tombelaine émergeait de la brume. Suspendu comme un mirage saharien au-dessus des nuées, le Mont-Saint-Michel brillait de toutes ses tuiles vermeilles, de tous les vitraux de sa pyramide abbatiale.
Comment Jeanne d'Arc, si lucide, au bon sens si fort, a-t-elle pu accepter pour compagnon ce Gilles de Rais dont la monstruosité continue à révolter et à fasciner, un demi-millénaire après son supplice ? À cette question - toujours esquivée ou laissée pendante par les historiens -, Michel Tournier tente de répondre : et si Gilles de Rais n'était devenu un monstre que sous l'influence de Jeanne ? Et s'il avait remis son âme entre ses mains pour le meilleur et pour le pire ? Pour le meilleur : libération d'Orléans, victoire de Patay, sacre de Charles VII. Pour le pire : blessure, capture, procès, condamnation par l'Église, bûcher. Gilles de Rais a suivi Jeanne jusqu'au bout, jusqu'à la sorcellerie, jusqu'au bûcher sur lequel il est monté neuf ans après elle.
«Il y a longtemps que j'ai pris l'habitude de noter non seulement les étapes et incidents de mes voyages, mais les événements petits et grands de ma vie quotidienne, le temps qu'il fait, les métamorphoses de mon jardin, les visites que je reçois, les coups durs et les coups doux du destin. On peut parler de journal sans doute, mais il s'agit du contraire d'un journal intime. J'ai forgé pour le définir le mot extime.» Michel Tournier.
En 1845, le pasteur Éléazar quitte son Irlande natale avec sa femme et ses deux enfants pour émigrer en Amérique, comme des milliers de ses compatriotes chassés par la grande famine. Débarquant en Virginie, il entreprend la traversée du continent pour gagner cette Californie qui se confond pour beaucoup avec la Terre promise. Parvenu dans le désert du Colorado, il lui semble qu'un voile se déchire devant ses yeux et qu'il lit pour la première fois la Bible. Sa propre aventure personnelle s'éclaire à la lumière du destin grandiose de Moïse. Il comprend que le drame de Moïse, c'était son déchirement entre le Buisson ardent, symbole du sacré, de la voix de Yahweh, et les sources que ne cessent de lui réclamer les Hébreux pour leurs femmes, pour leurs enfants, leur bétail et leurs cultures. Un choix tragique s'impose entre la Source et le Buisson.
«Ce petit livre est né d'un exercice qu'on ne saurait trop recommander à ses amis, parce qu'il est à la fois plaisant et enrichissant. Il s'agit simplement de passer au crible les centaines de milliers de mots que nous offrent, dans le superbe désordre alphabétique, tous les dictionnaires français disponibles. On note ceux qui paraissent intéressants par quelques côté, leur étrangeté, leur drôlerie, leur beauté, la dérive aberrante de leur usage, etc.Ce livre peut être refait par chacun, et il sera à chaque fois différent. Mais toujours son auteur y gagnera quelque chose, car ce modeste exercice s'apparente d'une certaine façon à un examen de conscience. Le souci de connaître le mot propre et d'en user à bon escient est une forme de probité.»Michel Tournier.
«En vérité, l'Allemagne continue à me valoir - comme du temps de mon enfance, de ma jeunesse, de mon âge mûr - des tristesses et des joies, des blessures et des fleurs, des pertes irréparables et des richesses immenses.» Michel Tournier raconte son lien intime avec l'Allemagne, sa famille germaniste, son rapport à la langue de Goethe, ses études universitaires dans le champ de ruines d'après-guerre... Par une réflexion inspirée d'un regard tendre, Michel Tournier fait battre le coeur de l'Europe et des peuples qui la composent. Il constate que les vertus dont chacun se réclame sont toujours celles qui lui font le plus défaut. Le bonheur en Allemagne ? est une promenade agréable dont la langue assurée et la justesse des vues soulignent ce qui fait la richesse, la force, mais aussi la faiblesse et le paradoxe de cette mosaïque séculaire qu'est l'Europe.
«Il n'est rien de tel que l'admiration... Celui qui n'est pas capable d'admiration est un misérable. Aucune amitié n'est possible avec lui, car il n'y a d'amitié que dans le partage d'admirations communes.» «Qu'est-ce qu'une caresse ? C'est un effleurement qui prend possession de la matière profonde.» «Le rite bien français des vacances au bord de la mer constitue un voyage initiatique dont nous portons tous la marque. On peut dire que l'océan - son mystère, son infini, sa grande vie solitaire sous le ciel changeant -, c'est la métaphysique à la portée d'un enfant de sept ans.» «Le genou, bielle à la fois simple et complexe, dure et fragile, offensive et vulnérable, est l'articulation clef d'où partent l'effort, l'essor, l'élan... Et il ne faut pas oublier l'envers du genou, sa face postérieure, le jarret exactement, cette gorge tendre, pâle et moite où s'inscrit un H majuscule.» «Au commencement, il y a la fadeur. Chaque civilisation se définit par une nourriture de base substantielle et fade désignée par un mot de trois lettres. Ce sont : le blé pour l'Occident, le mil pour l'Afrique et le riz pour l'Orient. Elles sont toutes les trois dépassées par un quatrième élément - également de trois lettres et d'une fadeur absolue : l'eau.»
La magie de Noël vue par les plus grands auteurs De Rutebeuf à Proust, de Villon à Rimbaud, de Ronsard à Maupassant, ce livre, présenté par Michel Tournier, rassemble quelques-uns des plus beaux textes inspirés par l'hiver, Noël et la Nativité. On y trouve la "Chanson du jour de Noël" de Marot, "La Légende de saint Nicolas" de Nerval, "Les Grands froids de Noël" de Jules Verne, "Les Nuits de Noël" d'Hector Malot, "Christmas" de Jules Vallès, "La Messe de minuit" d'Eugène Le Roy, "Les Étrennes" de Pierre Loti, et bien d'autres encore.
Dans sa préface à cette anthologie, Michel Tournier se demande si les Rois mages n'étaient pas quatre, et non trois comme on le pensait jusqu'alors, à venir s'incliner sur le berceau de l'enfant Jésus. Et si l'homme "menant à travers la steppe russe enneigée un attelage de rennes avec un traîneau chargé de cadeaux qu'il distribue en cours de route", n'est pas... le Père Noël !
«À propos de l'amour, il disait : Il y a un signe infaillible auquel on reconnaît qu'on aime quelqu'un d'amour, c'est quand son visage vous inspire plus de désir physique qu'aucune autre partie de son corps.S'il avait eu une tombe, voici l'épitaphe qu'il aurait voulu qu'on y inscrivît : Je t'ai adorée, tu me l'as rendu au centuple. Merci, la vie !»
Sur le Mont Sinaï, Moïse est allé chercher les Tables de la Loi, c'est-à-dire des signes. Dieu refuse de lui laisser voir sa face, «car l'homme ne peut me voir et vivre». Mais dans la vallée, les Hébreux se prosternent devant le veau d'or, et Moïse va briser les Tables de la Loi devant cette image triomphante. Tant il est vrai que le signe et l'image se combattent comme l'eau et le feu...Jésus a emmené trois de ses disciples sur le Mont Tabor pour leur montrer sa face, «et elle rayonnait comme le soleil» précise saint Matthieu. Mais il leur recommande ensuite de n'en rien dire. L'Ancien et le Nouveau Testament s'opposent ainsi comme le respect du signe s'oppose à la contemplation de l'image.Cet antagonisme se poursuit pour tous les héritiers de la civilisation judéo-chrétienne. Écrivain, Michel Tournier est serviteur du signe, mais il ne cesse de s'interroger sur le dessin, la peinture et la photographie. Contrairement au geste de Moïse brisant les Tables et à la recommandation de Jésus de «ne rien dire», faut-il écrire sur l'image ? Tel est le fil conducteur de cette quête à travers une vingtaine d'ateliers contemporains.
«Le collant et le flottant. Je me suis toujours demandé ce qui a le plus de charme. Il y a deux écoles. Le collant bien sûr, ça épouse les formes, et en même temps, ça les tient, ça les affermit. Mais ça manque d'imagination. Ça ne parle pas. C'est sec, laconique, c'est pète-sec. Tandis que le flottant, le flou, c'est ça qui fait rêver! C'est bavard, c'est une improvisation continuelle, ça invite à glisser la main.»
Le temps d'une série d'entretiens, Michel Tournier reprend le chemin de sa vie, de ses livres et du monde. De son enfance, avec un pied en Allemagne, aux convulsions de la guerre, de sa jeunesse bohème à ses années de succès, l'auteur du Roi des Aulnes et des Météores raconte et se raconte. Il dévoile ses années de maturation littéraire, évoque ses innombrables voyages, les lectures et les rencontres qui l'ont formé, sa passion de la musique et de la photographie, son rapport à la foi catholique, et révèle les aspects inconnus de sa vie d'académicien. Fort de sa fréquentation des philosophes allemands, il apporte en outre son regard sur la marche de l'Histoire, toujours prompt à fustiger la futilité de nos politiques et les carences de nos pédagogues. Les témoignages de ses amis Edmonde Charles-Roux, Robert Sabatier, Didier Decoin et Arlette Bouloumié complètent le portrait d'un romancier se définissant comme «un écrivain de la célébration qui dit oui à la vie».