C'est l'histoire d'un destin de femme, d'une de ses figures « russissimes », qui périt dans la médiocrité de la vie quotidienne : en sorte, la mort d'un rêve. Michel Ossorguine la connaît bien, cette femme aux ailes brisées : c'est Olga, de sept ans son aînée et sa soeur préférée qui mourut d'un cancer à l'âge de trente-sept ans.
Maintenu dans l'ombre en Russie par soixante-dix ans de pouvoir soviétique, ignoré en France, sa terre d'exil, Michel Ossorguine émerge progressivement d'un oubli cruel. Son oeuvre est à l'image de sa vie, foisonnante ; la trame et la manière de ses écrits vous emportent de surprises en émotions. Ses miniatures disent le monde tel qu'il est : le lecteur s'y reconnaîtra, tout en étant dérangé, décontenancé. Le fabuliste "croque" en quelques traits une personnalité, une situation ; il tisse, brode et prend un plaisir manifeste à créer du langage à partir de sa propre fantaisie. Une anecdote "a priori" insignifiante, un fait divers, une rencontre, une conversation, et l'intimité est établie avec le lecteur, parfois ludique, parfois sérieuse. En proie au destin capricieux, les personnages d'Ossorguine tentent de vivre, dans le rire et dans l'effroi, leur propre fragilité.
L'Histoire de ma soeur est d'abord celle d'un sentiment : l'amour passionné que nourrit Kostia pour Katia, sa soeur de sept ans son aînée. C'est aussi le récit du destin poignant d'une femme et, à travers elle, un tableau de la vieille Russie, qui s'apprête à voler en éclats. Des balbutiements de l'enfance jusqu'à l'épanouissement ultime de la mémoire, ce superbe roman se lit comme un poème en prose qui s'ouvrirait sur le ton mineur pour se clore dans la gravité.